Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Il n’est pas dans mes habitudes d’écrire à propos des personnes qui viennent de décéder. Mais je ne pouvais pas ne pas déroger à cette habitude à propos de Gisèle Halimi.

 

Je n’étais pas de son cercle d’intimes, aucune amitié nous liait, mais je la rencontrais souvent lorsque j’étais pigiste pour des journaux régionaux et elle députée de l’Isère. J’assistai aux conférences qu’elle donnait dans ce département. Au fil de ces rencontres Gisèle Halimi m’a captivé par la clarté et la justesse du discours qu’elle avait pour défendre « la cause des femmes ».

 

Le mouvement qu’elle animait « Choisir la cause des femmes » portait, sans acrimonie, sans arrogance, sans agressivité la « cause des femmes » sur le devant de la scène sociale et des écrans médiatiques. Elle parlait des Femmes en tant qu’elles sont des personnes à des Hommes en tant qu’ils sont des personnes, les rassemblant dans une humanité commune sans pour autant nier les différences de point de vue ; n’est-ce pas dans ce sens qu’il faut lire la dédicace qu’elle m’offrit sur son livre « La cause des femmes » : « la cause dont les hommes ont « l’intelligence théorique », la leur en somme ». Loin d’elle la volonté, même pas la tendance, de vouer aux gémonies les hommes, de les stigmatiser dans des écrits agressifs, de les jeter à la vindicte populaire comme s’ils étaient tous des ordures. Loin de l’idéologie des mouvements actuels elle ne dressait pas de bûchers sur les places publiques, elle n’appelait pas à un pogrom des « mâles » ni à un quelconque autodafé ni des personnes ni des œuvres. Gisèle Halimi combattait pour rassembler dans une cause commune pour le bien-être de l’humanité comme elle me le dit dans la dédicace à « Viol, le procès d’Aix » : « pour Jean‑Jacques Latouille avec la communauté de nos luttes. »

 

Il m’apparaissait qu’elle désirait profondément que Femmes et Hommes vivent en harmonie, peut-être même en complicité, ce qui exigeait que les seconds reconnaissent à l’égale d’eux‑mêmes les premières. Jamais elle ne négligeait de rappeler cela aux Hommes qu’elle invitait à rejoindre « La cause des femmes » comme dans la dédicace qu’elle m’écrivit dans « Quel président pour les femmes ? Réponse de François Mitterrand » : « à Jean-Jacques Latouille pour qu’il nous rejoigne. »

 

J’ai continué à rencontrer Gisèle Halimi, pas autant que je le désirai, tant qu’elle fut députée de l’Isère, je continuai à soutenir le mouvement local de « la cause des femmes », longtemps, jusqu’à ce qu’il s’estompe, sans jamais prendre ma carte d’adhérent. Sans doute par paresse ; certainement pas par conviction car nous avions quelques fois évoqué avec Gisèle Halimi mon engagement dans « la cause des femmes » notamment avec ma participation aux différentes manifestions de protestation contre l’action administrativo-judiciaire contre la Planning familial de Grenoble en 1973. Cette année‑là les docteurs Annie Ferrey‑Martin et Jacques Manent furent arrêtés et condamnés pour avoir pratiqué des avortements, à l’époque illégaux. Je fus de la grande manifestation de soutien qui fut alors organisée dans les rues de Grenoble, de la même façon que je participai à l’occupation des locaux du Planning, là je rencontrai le docteur Pierre Fugain qui, outre qu’il fut une des figures majeures de la Résistance durant la Seconde Guerre mondiale, était un ardent défenseur de la dignité des femmes.

 

La « cause des femmes » même si elle s’est améliorée, notamment grâce à Gisèle Halimi, est demeurée, demeure ; les routes, nos routes, se sont séparées mais le souvenir reste, profondément ancré en moi et c’est toujours avec beaucoup d’émotion que je relis de temps à autre ses livres, notamment « Le lait de l’oranger ». Me revient alors le souvenir de nos trop rares discussions où j’appris la tolérance, le respect de l’autre et mieux encore, grâce à Gisèle Halimi j’ai appris « l’intérêt pour l’Autre ». Si je ne devais retenir qu’un souvenir de Gisèle Halimi c’est la conviction et le besoin qu’elle avait de s’intéresser à l’Autre.

 

Nous ne nous sommes plus rencontrés depuis 1984, mais son souvenir est une présence perpétuelle et la cause qu’elle défendait continue de vivre en moi. Je ne peux que lui dire à demain…
 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article